"Le mouvement, c'est la vie !
Regard d'un psychomotricien sur la motricité libre...
Publié le 25 Mars 2015
Bonjour,
Lors de la journée du 19 mars sur la prématurité, nous avons eu l'occasion d’écouter Eric Roméo, psychomotricien en libéral. Il travaille en milieu scolaire et familial, et anime des formations à l'intention des professionnels de la petite enfance. Il a animé une rubrique dans l'émission "Les Maternelles", sur France 5.
Ce dernier s'est exprimé sur le développement moteur des bébés, qu'il soit né prématuré ou né à terme, et la façon dont il accompagne les bébés et de leurs parents.
Son discours très argumenté sur les bénéfices d'une motricité libre, nous conforte dans nos pratiques professionnelles au RAM, mais aussi pour défendre nos conceptions, pas toujours comprises ou partagées par les assistantes maternelles et/ou les familles...
Voici un petit compte-rendu, enrichi de quelques éléments tirés des travaux d'Emmi Pikler.
En motricité, deux points essentiels et indissociables :
1.La meilleure position pour le bébé, est celle qui est sans risque pour lui, qui lui permet de se sentir confortable et en sécurité. Ce qui veut dire que c'est une position dans laquelle l'adulte peut aussi, en toute sécurité, laisser l'enfant.
2.Pour assurer à tout le monde cette sécurité, il faudra toujours partir de là où en est l'enfant, du point de vue moteur, c'est-à dire de ses capacités du moment.
La position la plus confortable et la plus sécurisante pour un bébé lors de ses temps d'éveil, est la position sur le dos.
En motricité, le développement se fait de la tête vers les pieds (tête/tronc/jambes), la tête étant donc la première partie du corps à bouger (lors des premiers mouvements volontaires). Le développement moteur se fait aussi du milieu vers les extrémités. C'est pourquoi la motricité fine s'acquiert en dernier...
Par ailleurs, "le mouvement, c'est la vie", c'est un besoin naturel et incontournable chez les bébés et les jeunes enfants.
En bougeant, le bébé apprend des choses sur lui et sur son corps.
Ainsi, lors des premières tentatives de retournements, le bébé expérimente sa capacité à tolérer les sensations de déséquilibre que provoque le basculement de son corps sur le côté. De cette façon, il construit sa conscience de lui-même.
"Quand je tourne, tout vient" : il va développer progressivement un sentiment d'unité, et comprendre la façon dont il est constitué.
Lors du retournement, le bébé apprend, pour la première fois, à prendre appui avec ses mains. Cet apprentissage, qui va se poursuivre lors des expériences suivantes, est essentiel, car c'est grâce à cela que l'enfant, plus tard, mettra ses mains en avant en cas de chute... (réflexe parachute).
En bougeant librement, il va acquérir un répertoire large de mouvements variés, ce qui, du point de vue du psychomotricien, est un signe de bonne santé générale.
De plus, la motricité libre est un moyen de prévention des chutes et des fractures :
- Des chutes, parce que ces enfants développent une très bonne conscience de leur corps, et de leurs limites.
- Solidification des os, donc moins de fractures : parce que chaque effort que fournit le bébé lors d'une tentative de mouvement, va provoquer des contractions du muscle sollicité. Ces contractions raccourcissent le muscle, qui va tirer sur les tendons, et enclencher une réaction osseuse : les os se solidifient.
Lors de son développement moteur global, le bébé doit passer chronologiquement et progressivement par quatre modes de déplacement (qui peuvent cohabiter à certaines périodes...)
- Le retournement (du dos sur le ventre, puis du ventre sur le dos, jusqu'aux "roulades")
- La reptation : ramper
- La quadripédie : le 4 pattes
- Et enfin, la marche.
Ramper et marcher à 4 pattes sont deux modes de déplacement très importants car ils permettent une coordination du haut et du bas du corps, ainsi qu'une coordination du côté droit et du côté gauche du corps.
Par ailleurs, ces deux modes de déplacement s'effectuent "tête en avant" , ce qui est naturel chez l'enfant, si on laisse la motricité s'exercer librement. Passer sous un tunnel, par exemple, ne leur posera aucune difficulté.
Que se passe t-il lorsqu'on met les bébés dans des positions qu'ils n'ont pas encore acquises par eux-même ?
- Lorsque l'on met un bébé dans une position qu'il n'a pas encore acquise, on le met en situation de dépendance vis à vis de l'adulte ("j'ai besoin de toi pour me mettre dans cette position, et j'ai aussi besoin de toi pour me défaire de cette position...").
- On le met aussi en situation d'insécurité. Il peut éprouver des sensations de déséquilibre désagréables, parce qu'il ne les contrôle pas, il n'en n'a pas la maitrise. Il peut se trouver en équilibre précaire, et faire des efforts qui provoquent des tensions musculaires inconfortables, pour maintenir cet équilibre (en position ventrale, par exemple).
- On le prive de possibilités de bouger, d'auto-stimulation, et en cela, on peut retarder son développement. Par exemple, si l'on met un enfant debout trop tôt, si on le fait marcher, on risque de lui faire zapper la reptation et le 4 pattes...
- La position assise trop précoce peut entrainer un retard du réflexe "parachute" (capacité de l'enfant à mettre ses mains en avant en cas de chute), car l'enfant aura moins d'occasions de prendre appui sur ses mains. De plus, elle favorise un déplacement assis, "pieds en avant" (le déplacement assis n'est pas naturel, c'est un moyen que trouvent les enfants pour se déplacer lorsqu'ils ont été assis trop tôt, parce qu'ils n'arrivent pas, ou plus, à trouver la reptation ou le 4 pattes...), qui va perturber d'autres acquisitions : incapacité pour l'enfant de ramper pour passer sous un obstacle, par exemple...
Attention à l'utilisation massive des portiques et arches que l'on place au-dessus de la tête des bébés, souvent très tôt et très longtemps !!! Ces derniers maintiennent le bébé dans un rapport uniquement axial (regard et tête toujours dans le même axe), et l'empêchent de tourner sa tête pour explorer visuellement son environnement (en tournant sa tête, l'enfant prépare son retournement sur le côté).
Il vaut mieux disposer quelques jouets autour de lui, qu'il peut attraper facilement, et qui vont être une stimulation pour tourner sa tête.
Conclusion : il est nécessaire de dissocier les envies, besoins, désirs des adultes, des besoins et capacités réelles des enfants.
L'observation reste un outil indispensable, à condition de savoir quoi regarder ! En cela, l'accompagnement par des professionnelLEs permet de se rendre compte de la richesse motrice des bébés.
Etre vigilant aussi bien sur l'hyper-stimulation des adultes à l'égard des bébés (et la volonté de vouloir les faire avancer trop vite...), que sur l'hypo-stimulation, qui consiste à les surprotéger, et de ce fait, à les empêcher dans leurs initiatives... L'une comme l'autre ne sont pas bénéfiques à l'enfant.
(...)
Bonne journée, et à bientôt ! "